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IGNACE

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LETTRE D'IGNACE D'ANTIOCHE AUX ÉPHÉSIENS

Ignace, dit aussi Théophore, à celle qui est bénie en grandeur dans la plénitude de Dieu le Père, prédestinée avant les siècles à être en tout temps, pour une gloire qui ne passe pas, inébranlablement unie et élue dans la passion véritable du Christ, par la volonté du Père et de Jésus-Christ notre Dieu, à l'Église digne d'être appelée bienheureuse, qui est à Éphèse d'Asie, salut en Jésus-Christ et dans une joie irréprochable.

I, 1. J'ai accueilli en Dieu votre nom bien-aimé, que vous vous êtes acquis par votre nature juste, selon la foi et la charité dans le Christ Jésus, notre Sauveur ; " imitateurs de Dieu " (cf. Paul, Ep 6, 1), ranimés dans le sang de Dieu (cf. Ac. 20, 28), vous avez achevé en perfection l'oeuvre qui convient à votre nature. 2. Vous avez appris en effet que je venais de Syrie enchaîné pour le Nom et l'espoir qui nous sont communs, espérant avoir le bonheur, grâce à vos prières, de combattre contre les bêtes à Rome, pour pouvoir, si j'ai ce bonheur, être un véritable disciple ; et vous vous êtes empressés de venir me voir. 3. C'est donc bien toute votre communauté que j'ai reçue au nom de Dieu, en Onésime, homme d'une indicible charité, votre évêque selon la chair. Je souhaite que vous l'aimiez en Jésus-Christ, et que tous vous lui soyez semblables. Béni soit celui qui vous a fait la grâce, à vous qui en étiez dignes, d'avoir un tel évêque.

II, 1. Pour Burrhus, mon compagnon de service, votre diacre selon Dieu, béni en toutes choses, je souhaite qu'il reste près de moi pour faire honneur à vous et à votre évêque. Quant à Crocus, digne de Dieu et de vous, que j'ai reçu comme un exemplaire de votre charité, il a été pour moi un réconfort en toutes choses : puisse le Père de Jésus-Christ le réconforter lui aussi avec Onésime, et Burrhus, et Euplous et Fronton ; en eux c'est vous tous que j'ai vus selon la charité. 2. Puissé-je jouir de vous en tout temps, si je puis en être digne. Il convient donc de glorifier en toutes manières Jésus-Christ, qui vous a glorifiés, afin que rassemblés dans une même soumission, soumis à l'évêque et au presbyterium, vous soyez sanctifiés en toutes choses.

III,1. Je ne vous donne pas des ordres comme si j'étais quelqu'un. Car si je suis enchaîné pour le Nom, je ne suis pas encore accompli en Jésus-Christ. Maintenant, je ne fais que commencer à m'instruire, et je vous adresse la parole comme à mes condisciples. C'est moi qui aurais besoin d'être oint par vous de foi, d'exhortations, de patience, de longanimité. 2. Mais puisque la charité ne me permet pas de me taire à votre sujet, c'est pour cela que j'ai pris les devants pour vous exhorter à marcher d'accord avec la pensée de Dieu. Car Jésus-Christ, notre vie inséparable, est la pensée du Père, comme aussi les évêques, établis jusqu'aux extrémités de la terre, sont dans la pensée de Jésus-Christ.

IV, 1. Aussi convient-il de marcher d'accord avec la pensée de votre évêque, ce que d'ailleurs vous faites. Votre presbyterium justement réputé, digne de Dieu, est accordé à l'évêque comme les cordes à la cithare ; ainsi, dans l'accord de vos sentiments et l'harmonie de votre charité, vous chantez Jésus-Christ. 2. Que chacun de vous aussi, vous deveniez un choeur, afin que, dans l'harmonie de votre accord, prenant le ton de Dieu dans l'unité, vous chantiez d'une seule voix par Jésus-Christ un hymne au Père, afin qu'il vous écoute et qu'il vous reconnaisse, par vos bonnes oeuvres, comme les membres de son Fils. Il est donc utile pour vous d'être dans une inséparable unité, afin de participer toujours à Dieu.

V, 1. Si en effet, moi-même j'ai en si peu de temps contracté avec votre évêque une telle intimité, qui n'est pas humaine, mais toute spirituelle, combien plus je vous félicite de lui être si profondément unis, comme l'Église l'est à Jésus-Christ, et Jésus-Christ au Père, afin que toutes choses soient en accord dans l'unité. 2. Que personne ne s'égare ; si quelqu'un n'est pas à l'intérieur du sanctuaire, il se prive " du pain de Dieu " (Jn 6, 33). Car si la prière de deux personnes ensemble a une telle force (cf. Mt 18, 20), combien plus celle de l'évêque et de toute l'Église. 3. Celui qui ne vient pas à la réunion commune, celui-là déjà fait l'orgueilleux et il s'est jugé lui-même, car il est écrit : " Dieu résiste aux orgueilleux " (Pr 3, 34 ; cf. Jc 4, 6 ; 1 P 5, 5). Ayons donc soin de ne pas résister à l'évêque, pour être soumis à Dieu.

VI, 1. Et plus on voit l'évêque garder le silence, plus il faut le révérer ; car celui que le maître de maison envoie pour administrer sa maison (cf. Lc 12, 42 ; Mt 24, 25), il faut que nous le recevions comme celui-là même qui l'a envoyé (cf. Mt 10, 40 ; Mc 1, 37 ; Lc 7, 48 ; Jn 13, 20). Donc il est clair que nous devons regarder l'évêque comme le Seigneur lui-même. 2. D'ailleurs, Onésime lui-même loue très haut votre bon ordre en Dieu disant que tous vous vivez selon la vérité, et qu'aucune hérésie ne demeure chez vous, mais que vous n'écoutez personne qui vous parle d'autre chose que de Jésus-Christ dans la vérité.

VII, 1. Car des hommes à la ruse perverse ont l'habitude de porter partout le nom de Dieu, mais agissent autrement et de manière indigne de Dieu ; ceux-là, il vous faut les éviter comme des bêtes sauvages. Ce sont des chiens enragés, qui mordent sournoisement. Il faut vous en garder, car leurs morsures sont difficiles à guérir. 2. Il n'y a qu'un seul médecin, charnel et spirituel, engendré et inengendré, venu en chair, Dieu, en la mort vie véritable, né de Marie et né de Dieu, d'abord passible et maintenant impassible, Jésus-Christ notre Seigneur.

VIII, 1. Que personne donc ne vous trompe, comme d'ailleurs vous ne vous laissez pas tromper, étant tout entiers à Dieu. Quand aucune querelle ne s'est abattue sur vous qui puisse vous tourmenter, alors vraiment vous vivez selon Dieu. Je suis votre victime expiatoire, et je m'offre en sacrifice pour votre Église, Éphésiens, qui est renommée à travers les siècles. 2. Les charnels ne peuvent pas faire les oeuvres spirituelles (cf. Rm 8, 5 ; 1 Co 2, 14), ni les spirituels les oeuvres charnelles, comme la foi non plus ne peut faire les oeuvres de l'infidélité, ni l'infidélité celles de la foi. Et celles-là même que vous faites dans la chair sont spirituelles, car c'est en Jésus-Christ que vous faites tout.

IX, 1. J'ai appris que certains venant de là-bas sont passés chez vous, porteurs d'une mauvaise doctrine, mais vous ne les avez pas laissés semer chez vous, vous bouchant les oreilles, pour ne pas recevoir ce qu'ils sèment, dans la pensée que vous êtes les pierres du temple du Père, préparés pour la construction de Dieu le Père, élevés jusqu'en haut par la machine de Jésus-Christ, qui est la croix, vous servant comme câble de l'Esprit-Saint ; votre foi vous tire en haut, et la charité est le chemin qui vous élève vers Dieu. 2. Vous êtes donc aussi tous compagnons de route, porteurs de Dieu et porteurs du temple, porteurs du Christ, porteurs des objets sacrés, ornés en tout des préceptes de Jésus-Christ. Avec vous, je suis dans l'allégresse, puisque j'ai été jugé digne de m'entretenir avec vous par cette lettre et de m'en réjouir avec vous de ce que vivant d'une vie nouvelle, vous n'aimez rien que Dieu seul.

X, 1. " Priez sans cesse " (1 Th 5, 17) pour les autres hommes. Car il y a en eux espoir de repentir, pour qu'ils arrivent à Dieu. Permettez-leur donc au moins par vos oeuvres d'être vos disciples. 2. En face de leurs colères, vous, soyez doux ; de leurs vantardises, vous, soyez humbles ; de leurs blasphèmes, vous, montrez vos prières ; de leurs erreurs, vous, soyez " fermes dans la foi " (Col 1, 23) ; de leur sauvagerie, vous, soyez paisibles, sans chercher à les imiter. 3. Soyons leurs frères par la bonté et cherchons à être les " imitateurs du Seigneur " (1 Th 1, 6) : qui davantage a été objet d'injustice ? qui dépouillé ? qui repoussé ? pour qu'aucune herbe du diable ne se trouve parmi vous, mais qu'en toute pureté et tempérance, vous demeuriez en Jésus-Christ, de chair et d'esprit.

XI, 1. Ce sont les derniers temps (cf. 1 Jn 2, 18) ; désormais rougissons, et craignons que la longanimité de Dieu ne tourne à notre condamnation. Ou bien craignons la colère à venir (cf. Mt 3, 7), ou bien aimons la grâce présente : de deux choses l'une. C'est seulement si nous sommes trouvés dans le Christ que nous entrerons dans la vie véritable. 2. En dehors de lui (cf. saint Paul, Ph 3, 9) que rien n'ait valeur pour vous, lui en qui je porte mes chaînes, perles spirituelles ; je voudrais ressusciter avec elles, grâce à votre prière, à laquelle je voudrais toujours participer pour être trouvé dans l'héritage des chrétiens d'Éphèse, qui ont été toujours unis aux Apôtres, par la force de Jésus-Christ.

XII, 1. Je sais qui je suis et à qui j'écris : moi je suis un condamné ; vous, vous avez obtenu miséricorde; moi, je suis dans le danger ; vous, vous êtes affermis. Vous êtes le chemin par où passent ceux qui sont conduits à la mort pour aller à Dieu, initiés aux mystères avec Paul le saint, qui a reçu témoignage, et est digne d'être appelé bienheureux. Puissé-je être trouvé sur ses traces quand j'obtiendrai Dieu ; dans toutes ses lettres, il se souvient de vous dans le Christ Jésus.

XIII, 1. Ayez donc soin de vous réunir plus fréquemment pour rendre à Dieu actions de grâces et louange. Car quand vous vous rassemblez souvent, les puissances de Satan sont abattues et son oeuvre de ruine détruite par la concorde de votre foi. 2. Rien n'est meilleur que la paix qui réduit à rien toute guerre que nous font les puissances célestes et terrestres.

XIV, 1. Rien de tout cela ne vous est caché, si vous avez parfaitement pour Jésus-Christ la foi et la charité, qui sont le commencement et la fin de la vie : le commencement, c'est la foi, et la fin, la charité (cf. 1 Tm 1, 5). Les deux réunies, c'est Dieu, et tout le reste qui conduit à la perfection de l'homme ne fait que suivre. 2. Nul, s'il professe la foi, ne pèche ; nul, s'il possède la charité, ne hait. " On connaît l'arbre à ses fruits " (Mt. 12, 33) : ainsi ceux qui font profession d'être du Christ se feront reconnaître à leurs oeuvres. Car maintenant l'oeuvre qui nous est demandée n'est pas simple profession de foi, mais d'être trouvés jusqu'à la fin dans la pratique de la foi.

XV, 1. Mieux vaut se taire et être que parler sans être. Il est bon d'enseigner, si celui qui parle agit. Il n'y a donc qu'un seul maître (cf. Mt 23, 8), celui qui " a dit et tout a été fait " (Ps 32, 9 ; 148, 5) et les choses qu'il a faites dans le silence sont dignes de son Père. 2. Celui qui possède en vérité la parole de Jésus peut entendre même son silence, afin d'être parfait, afin d'agir par sa parole et de se faire connaître par son silence. Rien n'est caché au Seigneur, mais nos secrets mêmes sont près de 1ui. 3. Faisons donc tout dans la pensée qu'il habite en nous, afin que nous soyons ses temples (cf. 1 Co 3, 16 ; 6, 19), et que lui soit en nous notre Dieu (cf. Ap 21, 3), ce qu'il est en effet, et ce qu'il apparaîtra devant notre face si nous l'aimons justement.

XVI, 1. " Ne vous y trompez pas ", mes frères : ceux qui corrompront les familles n'hériteront pas du Royaume de Dieu " (1 Co 6, 9.10). 2. Si donc ceux qui faisaient cela ont été mis à mort, combien plus celui qui corromprait par sa mauvaise doctrine la foi de Dieu, pour laquelle Jésus-Christ a été crucifié? Celui qui s'est ainsi souillé ira au feu inextinguible et de même celui qui l'écoute.

XVII, 1. Si le Seigneur a reçu une onction sur la tête, c'est afin d'exhaler pour son Église un parfum d'incorruptibilité. Ne vous laissez donc pas oindre de la mauvaise odeur du prince de ce monde (cf. Jn 12, 31 ; 14, 30), pour qu'il ne vous emmène pas en captivité loin de la vie qui vous attend. 2. Pourquoi ne devenons-nous pas tous sages, en recevant la connaissance de Dieu, qui est Jésus-Christ ? Pourquoi périr follement, en méconnaissant le don que le Seigneur nous a véritablement envoyé ?

XVIII, 1. Mon esprit est la victime de la croix, qui est scandale pour les incroyants, mais pour nous salut et vie éternelle (cf . 1 Co 1, 23, 25) : " Où est le sage ? où le disputeur ? " (1 Co 1,20) où la vanité de ceux qu'on appelle savants ? 2. Car notre Dieu, Jésus-Christ, a été porté dans le sein de Marie, selon l'économie divine, né " de la race de David " (Jn 7,42 ; Rm 1,3 ; 2 Tm 2,8) et de l'Esprit-Saint. Il est né, et a été baptisé pour purifier l'eau par sa passion.

XIX, 1. Le prince de ce monde (Jn 12, 31 ; 14, 30) a ignoré la virginité de Marie, et son enfantement, de même que la mort du Seigneur, trois mystères retentissants, qui furent accomplis dans le silence de Dieu. 2. Comment donc furent-ils manifestés aux siècles ? Un astre brilla dans le ciel plus que tous les astres, et sa lumière était indicible, et sa nouveauté étonnait, et tous les autres astres avec le soleil et la lune se formèrent en choeur autour de l'astre et lui projetait sa lumière plus que tous les autres. 2. Et ils étaient troublés, se demandant d'où venait cette nouveauté si différente d'eux-mêmes. 3. Alors était détruite toute magie, et tout lien de malice aboli, l'ignorance était dissipée, et l'ancien royaume ruiné, quand Dieu apparut en forme d'homme, " pour une nouveauté de vie " éternelle (Rm 6, 4) ; ce qui avait été décidé par Dieu commençait à se réaliser. Aussi tout était troublé, car la destruction de la mort se préparait.

XX, 1. Si Jésus-Christ m'en rend digne grâce à vos prières, et si c'est la volonté de Dieu, je vous expliquerai dans le second livret que je dois vous écrire l'économie dont j'ai commencé à vous parler, concernant l'homme nouveau, Jésus-Christ. Elle consiste dans la foi en lui et dans l'amour pour lui, dans sa souffrancce et sa résurrection... 2. Surtout si le Seigneur me révèle que chacun en particulier et tous ensemble, dans la grâce qui vient de son nom, vous vous réunissez dans une même foi, et en Jésus-Christ " de la race de David selon la chair " (Rm 1,3), fils de l'homme et fils de Dieu, pour obéir à l'évêque et au presbyterium, dans une concorde sans tiraillements, rompant un même pain qui est remède d'immortalité, antidote pour ne pas mourir, mais pour vivre en Jésus-Christ pour toujours.

XXI, 1. Je suis votre rançon, pour vous et pour ceux que, pour l'honneur de Dieu, vous avez envoyés à Smyrne, d'où je vous écris, rendant grâces au Seigneur, et aimant Polycarpe comme je vous aime vous aussi. Souvenez-vous de moi comme Jésus-Christ se souvient de vous. 2. Priez pour l'Église qui est en Syrie, d'où je suis conduit à Rome dans les chaînes, car étant le dernier des fidèles de là-bas, j'ai été jugé digne de servir à l'honneur de Dieu. Portez-vous bien en Dieu le Père, et en Jésus-Christ, notre commune espérance.

LETTRE D'IGNACE D'ANTIOCHE AUX MAGNÉSIENS

Ignace, dit aussi Théophore, à celle qui est bénie dans la grâce de Dieu le Père en Jésus-Christ notre Sauveur, en lequel je salue l'Église qui est à Magnésie du Méandre, et lui souhaite toute joie en Dieu le Père et en Jésus-Christ.

I, 1. Ayant appris que votre charité est parfaitement ordonnée selon Dieu, je m'en réjouis et j'ai résolu de vous adresser la parole dans la foi en Jésus-Christ. 2. Honoré d'un nom d'une divine splendeur, dans les fers que je porte partout, je chante les Églises, je leur souhaite l'union avec la chair et l'esprit de Jésus-Christ, notre éternelle vie, l'union dans la foi et la charité, à laquelle rien n'est préférable, et ce qui est plus important, l'union avec Jésus et le Père, en qui nous résisterons à toutes les menaces du prince de ce monde ; nous y échapperons et nous atteindrons Dieu.

II. Puisque j'ai eu l'honneur de vous voir par l'intermédiaire de Damas, votre évêque digne de Dieu, et des dignes presbytres Bassus et Apollonius, et de mon compagnon de service le diacre Zotion.... puissé-je jouir de lui, car il est soumis à l'évêque comme à la grâce de Dieu, et au presbyterium comme à la loi de Jésus-Christ.

III, 1. Et à vous il convient de ne pas profiter de l'âge de votre évêque, mais par égard à la puissance de Dieu le Père, lui accorder toute vénération ; je sais en effet que vos saints presbytres n'ont pas abusé de la jeunesse qui paraît en lui, mais comme des gens sensés en Dieu, ils se soumettent à lui, non pas à lui, mais au Père de Jésus-Christ, à l'évêque de tous. 2. Par respect pour celui qui nous a aimés, il convient d'obéir sans aucune hypocrisie ; car ce n'est pas seulement cet évêque visible qu'on abuse, mais c'est l'évêque invisible qu'on cherche à tromper. Car dans ce cas, ce n'est pas de chair qu'il s'agit, mais de Dieu qui connaît les choses cachées.

IV. Il convient donc de ne pas seulement porter le nom de chrétiens, mais de l'être aussi ; certains, en effet, parlent toujours de l'évêque, mais font tout en dehors de lui. Ceux-là ne me paraissent pas avoir une bonne conscience, car leurs assemblées ne sont pas légitimes, ni conformes au commandement du Seigneur.

V, 1. Car les choses ont une fin, et voici devant nous toutes deux également, la mort et la vie, et chacun doit aller a à son lieu propre " (cf. Ac 1, 25) ; 2. de même qu'il y a deux monnaies, celle de Dieu et celle du monde, et que chacune d'elles a son empreinte propre, les infidèles celle de ce monde, mais les fidèles qui sont dans la charité portent par Jésus-Christ l'empreinte de Dieu le Père ; si nous ne choisissons pas librement, grâce à lui, de mourir pour avoir part à sa passion, sa vie n'est pas en nous.

VI, 1. Ainsi, puisque dans les personnes que j'ai nommées plus haut, j'ai dans la foi vu et aimé toute votre communauté, je vous en conjure, ayez à coeur de faire toutes choses dans une divine concorde, sous la présidence de l'évêque qui tient la place de Dieu, des presbytres qui tiennent la place du sénat des Apôtres, et des diacres qui me sont si chers, à qui a été confié le service de Jésus-Christ, qui avant les siècles était près de Dieu, et s'est manifesté à la fin. 2. Prenez donc tous les moeurs de Dieu, respectez-vous les uns les autres, et que personne ne regarde son prochain selon la chair, mais aimez-vous toujours les uns les autres en Jésus-Christ. Qu'il n'y ait rien en vous qui puisse vous séparer, mais unissez-vous à l'évêque et aux présidents en image et leçon d'incorruptibilité.

VII, 1. De même donc que le Seigneur n'a rien fait, ni par lui-même, ni par ses Apôtres, sans son Père (cf. Jn 5, 19, 30 ; 8, 28), avec qui il est un, ainsi vous non plus ne faites rien sans l'évêque et les presbytres; et n'essayez pas de faire passer pour raisonnable ce que vous faites à part vous, mais faites tout en commun : une seule prière, une seule supplication, un seul esprit, une seule espérance dans la charité (cf. saint Paul, Ep 4, 4-6), dans la joie irréprochable ; cela, c'est Jésus-Christ, a qui rien n'est préférable. 2. Tous accourez pour vous réunir comme en un seul temple de Dieu, comme autour d'un seul autel, en l'unique Jésus-Christ, qui est sorti du Père un, et qui était en lui l'unique, et qui est allé vers lui.

VIII, 1. Ne vous laissez pas séduire par les doctrines étrangères ni par ces vieilles fables qui sont sans utilité. Car si maintenant encore nous vivons selon la foi, nous avouons que nous n'avons pas reçu la grâce. 2. Car les très divins prophètes ont vécu selon Jésus-Christ ; c'est pourquoi ils ont été persécutés. Ils étaient inspirés par sa grâce, pour que les incrédules fussent pleinement convaincus qu'il n'y a qu'un seul Dieu, manifesté par Jésus-Christ son Fils qui est son Verbe sorti du silence, qui en toutes choses s'est rendu agréable à celui qui l'avait envoyé (cf. In 8, 29).

IX, 1. Si donc ceux qui vivaient dans l'ancien ordre de choses sont venus à la nouvelle espérance, n'observant plus le sabbat, mais le jour du Seigneur, jour où notre vie s'est levée par lui et par sa mort, quelques-uns le nient; mais c'est par ce mystère que nous avons reçu la foi, et c'est pour cela que nous tenons ferme, afin d'être trouvés de véritables disciples de Jésus-Christ, notre seul maître. 2. Comment pourrions-nous vivre sans lui, puisque les prophètes aussi, étant ses disciples par l'esprit, l'attendaient comme leur maître ? et c'est pourquoi celui qu'ils attendaient justement les a, par sa présence, ressuscités des morts.

X, 1. Ne soyons donc pas insensibles à sa bonté. Car s'il nous imite selon ce que nous faisons, nous n'existons plus. C'est pourquoi faisons-nous ses disciples et apprenons à vivre selon le christianisme. Car celui qui s'appelle d'un autre nom en dehors de celui-ci, n'est pas à Dieu (cf. Ac 4, 12). 2. Rejetez donc le mauvais levain, vieilli et aigri (cf. 1 Co 5, 6) et transformez-vous en un levain nouveau, qui est Jésus-Christ. Qu'il soit le sel de votre vie, pour que personne parmi vous ne se corrompe, car c'est à l'odeur que vous serez jugés. 3. Il est absurde de parler de Jésus-Christ et de judaïser. Car ce n'est pas le christianisme qui a cru au judaïsme, mais le judaïsme au christianisme, en qui s'est réunie toute langue qui croit en Dieu.

XI. Tout ceci, mes bien-aimés, ce n'est pas que j'aie appris que quelques-uns parmi vous soient mal disposés ; mais, bien qu'étant plus petit que vous, je veux que vous soyez en garde pour ne pas vous laisser prendre aux hameçons de la vanité. Au contraire, soyez pleinement convaincus de la naissance, et de la passion, et de la résurrection arrivée sous le gouvernement de Ponce Pilate. Toutes ces choses ont été véritablement et certainement accomplies par Jésus-Christ notre espérance (cf. 1 Tm 1, 1) ; puisse aucun de vous ne jamais se détourner d'elles.

XII. Puissé-je jouir de vous en toutes choses, si j'en suis digne. Car, bien qu'étant enchaîné, je ne suis comparable a aucun de vous qui êtes libres. Je sais que vous ne vous gonflez pas d'orgueil ; car vous avez Jésus-Christ en vous. Et davantage, quand je vous loue, je sais que vous en êtes confus, comme il est écrit: "Le juste est son propre accusateur" (Pr 18, 17).

XIII. 1. Ayez donc soin de vous affermir dans les enseignements du Seigneur et des Apôtres, afin qu' " en tout ce que vous ferez vous réussissiez " (Ps 1, 3) de chair et d'esprit, dans la foi et la charité, dans le Fils et le Père et l'Esprit, dans le principe et dans la fin, avec votre si digne évêque, et la précieuse couronne spirituelle de votre presbyterium, et avec vos saints diacres. 2. " Soyez soumis " à l'évêque et " les uns aux autres " (cf. Paul, Ep 5, 21), comme le Christ selon la chair fut soumis au Père, et les Apôtres au Christ et au Père et à l'Esprit, afin que l'union soit à la fois charnelle et spirituelle.

XIV. Sachant que vous êtes pleins de Dieu, je vous ai exhortés brièvement. Souvenez-vous de moi dans vos prières, afin que je trouve Dieu, et aussi de l'Église de Syrie ; je ne suis pas digne d'en être appelé un membre, car j'ai besoin de votre prière et de votre charité tout unies en Dieu, pour que Dieu daigne, par votre Église, faire tomber sa rosée sur l'Église de Syrie.

XV. De Smyrne d'où je vous écris, les Éphésiens vous saluent. Ils y sont venus pour la gloire de Dieu ; comme vous, ils m'ont réconforté en toutes choses avec Polycarpe, l'évêque de Smyrne. Et les autres Églises vous saluent aussi en l'honneur de Jésus-Christ. Portez-vous bien dans la concorde de Dieu, possédant cet esprit inséparable qu'est Jésus-Christ.

LETTRE D'IGNACE D'ANTIOCHE AUX TRALLIENS

Ignace, dit aussi Théophore, à celle qui est aimée de Dieu le Père de Jésus-Christ, à l'Église sainte qui est à Tralles d'Asie, vivant en paix dans la chair et l'esprit, par la passion de Jésus-Christ, espoir pour nous d'une résurrection qui nous conduira à lui ; je la salue, en toute plénitude, à la manière des Apôtres, et lui souhaite toute sorte de joie.

I, 1. Je sais que vous avez des sentiments irréprochables et inébranlables dans la patience, non simplement pour l'usage, mais par nature, comme me l'a appris votre évêque Polybios, qui est venu à Smyrne par la volonté de Dieu et de Jésus-Christ. Et ainsi il s'est réjoui avec moi qui suis enchaîné en Jésus-Christ, en sorte que je puis contempler en lui toute votre communauté. 2. Ayant donc reçu par lui une preuve de votre bienveillance selon Dieu, j'ai rendu gloire à Dieu , puisque je vous avais trouvés, comme je vous l'avais appris, imitateurs de Dieu (cf. Paul, Ep 5, 1).

II, 1. Car quand vous vous soumettez à l'évêque comme à Jésus-Christ, je ne vous vois pas vivre selon les hommes, mais selon Jésus-Christ qui est mort pour vous, afin que, croyant à sa mort, vous échappiez à la mort. 2. Il est donc nécessaire, comme vous le faites, de ne rien faire sans l'évêque, mais de vous soumettre aussi au presbyterium, comme aux apôtres de Jésus-Christ notre espérance (cf. 1 Tm 1, 1) en qui nous serons trouvés si nous vivons ainsi. 3. Il faut aussi que les diacres, étant les ministres des mystères de Jésus-Christ, plaisent à tous de toute manière. Car ce n'est pas de nourriture et de boisson qu'ils sont les ministres, mais ils sont les serviteurs de l'Église de Jésus-Christ. Il faut donc qu'ils évitent comme le feu tout sujet de reproche.

III, 1. Pareillement, que tous révèrent les diacres comme Jésus-Christ, comme aussi l'évêque, qui est l'image du Père, et les presbytres comme le sénat de Dieu et comme l'assemblée des Apôtres : sans eux on ne peut parler d'Églises. 2. Je suis persuadé que vous êtes ainsi disposés à leur égard. J'ai reçu et je possède avec moi, en la personne de votre évêque, l'exemplaire de votre charité : sa conduite elle-même est un grand enseignement et sa douceur une force ; je pense que les païens eux-mêmes le révèrent. 3. Par amour pour vous, je vous épargne, quand je pourrais vous écrire à ce sujet avec plus de sévérité ; je n'aurais pas la pensée, étant un condamné, de vous donner des ordres comme un Apôtre.

IV, 1. J'ai de grandes pensées en Dieu, mais je me limite moi-même, pour ne pas me perdre par ma vanterie. Car maintenant surtout il me faut craindre, et ne pas prêter attention à ceux qui tenteraient de me gonfler d'orgueil . Car ceux qui me parlent ainsi me flagellent. 2. Assurément, je désire souffrir, mais je ne sais pas si j'en suis digne. Car mon impatience n'apparaît pas au grand nombre, mais elle me fait une guerre d'autant plus violente. Aussi ai-je besoin de la douceur qui détruit le prince de ce monde.

V, 1. Ne puis-je pas vous écrire des choses du ciel ? Mais j'ai peur de vous faire du mal, à vous qui êtes encore des enfants (cf. 1 Co 3, 1, 2). Et, pardonnez-moi, j'ai peur qu'incapables de recevoir une nourriture plus forte , vous ne vous étrangliez. 2. Et moi-même, bien que je sois enchaîné, et capable de concevoir les choses célestes, et les hiérarchies des anges, et les armées des principautés, les choses visibles et invisibles, je ne suis pas encore pour autant un disciple. Il nous manque beaucoup de choses, pour que Dieu ne nous manque pas.

VI, 1. Je vous exhorte donc, non pas moi, mais la charité de Jésus-Christ, à n'user que de la nourriture chrétienne, et à vous abstenir de toute plante étrangère, qui est l'hérésie. 2. Ce sont des gens qui entremêlent Jésus-Christ à leurs propres erreurs en cherchant à se faire passer pour dignes de foi, comme ceux qui donnent un poison mortel avec du vin mêlé de miel, et celui qui ne sait pas le prend avec plaisir, mais dans ce plaisir néfaste, il absorbe la mort.

VII, 1. Gardez-vous donc de ces gens-là. Vous le ferez en ne vous gonflant pas d'orgueil, et en restant inséparables de Jésus-Christ Dieu et de l'évêque et des préceptes des Apôtres. 2. Celui qui est à l'intérieur du sanctuaire est pur, mais celui qui est en dehors du sanctuaire n'est pas pur ; c'est-à-dire que celui qui agit en dehors du sanctuaire n'est pas pur ; c'est-à-dire que celui qui agit en dehors de l'évêque, du presbyterium et des diacres, celui-là n'est pas pur de conscience.

VIII, l. Ce n'est pas que j'aie appris rien de tel à votre sujet, mais je veux vous mettre en garde, vous mes bien-aimés (cf. 1 Co 4, 14), prévoyant les embûches du diable. Vous donc, armez-vous d'une douce patience, et recréez-vous dans la foi, qui est la chair du Seigneur, et dans la charité, qui est le sang de Jésus-Christ. 2. Qu'aucun de vous n'ait rien contre son prochain. Ne donnez pas de prétexte aux Gentils, pour que, par le fait de quelques insensés, la communauté de Dieu ne soit pas blasphémée. Car malheur à qui par sa légèreté fait blasphémer mon nom (Is 52, 5).

IX, 1. Soyez donc sourds quand on vous parle d'autre chose que de Jésus-Christ, de la race de David, fils de Marie, qui est véritablement né, qui a mangé et qui a bu, qui a été véritablement persécuté sous Ponce Pilate, qui a été véritablement crucifié, et est mort, aux regards du ciel, de la terre et des enfers, 2. qui est aussi véritablement ressuscité d'entre les morts. C'est son Père qui l'a ressuscité, et c'est lui aussi, le Père , qui à sa ressemblance nous ressuscitera en Jésus-Christ, nous qui croyons en lui, en dehors de qui nous n'avons pas la vie véritable.

X. Car si, comme le disent certains athées, c'est-à-dire des infidèles, il n'a souffert qu'en apparence, ils n'existent eux-mêmes qu'en apparence, moi, pourquoi suis-je enchaîné ? pourquoi donc souhaiter de combattre contre les bêtes ? C'est donc pour rien que je me livre à la mort ? Ainsi donc je mens contre le Seigneur ! (cf. 1 Co 15, 15).

XI, 1. Fuyez donc ces mauvaises plantes parasites : elles portent un fruit qui donne la mort, et si quelqu'un en goûte, il meurt sur le champ. Ceux-là ne sont pas la plantation du Père (cf. Mt 15, 13 ; Jn 15, 1 ; 1 Co 3, 9). 2. S'ils l'étaient, ils apparaîtraient comme des rameaux de la croix, et leur fruit serait incorruptible. Par sa croix, le Christ en sa passion vous appelle, vous qui êtes ses membres ; c'est Dieu qui nous promet cette union, qu'il est lui-même.

XII, 1. Je vous salue de Smyrne, avec les Églises de Dieu qui sont ici avec moi, qui en toutes choses m'ont réconforté de chair et d'esprit. 2. Mes liens vous exhortent, que je porte partout à cause de Jésus-Christ, demandant d'arriver à Dieu : persévérez dans la concorde et dans la prière en commun. Car il convient que chacun de vous, et particulièrement les presbytres, vous réconfortiez votre évêque en l'honneur du Père de Jésus-Christ et des Apôtres. 3. Je souhaite que vous m'écoutiez avec charité, pour que par cette lettre je ne sois pas un témoignage contre vous. Et priez pour moi, qui ai besoin de votre charité dans la miséricorde de Dieu, pour être digne d'avoir part à l'héritage que je suis près d'obtenir, et pour ne pas être trouvé indigne d'être accepté (cf. 1 Co 9, 27).

XIII, 1. La charité des Smyrniens et des Éphésiens vous salue. Souvenez-vous dans vos prières de l'Église de Syrie : je ne suis pas digne d'en faire partie, étant le dernier d'entre eux. 2. Portez-vous bien en Jésus-Christ, soumis à l'évêque comme au commandement du Seigneur, semblablement aussi au presbyterium, et tous individuellement aimez-vous les uns les autres, dans un coeur sans partage. 3. Mon esprit se sacrifie pour vous, non seulement maintenant, mais aussi quand j'arriverai à Dieu. Je suis encore exposé au danger, mais il est fidèle, le Père, en Jésus-Christ, pour exaucer ma prière et la vôtre; puissiez-vous en lui être trouvés sans reproche.

LETTRE D'IGNACE D'ANTIOCHE AUX ROMAINS

Ignace, dit aussi Théophore, à l'Église qui a reçu miséricorde par la magnificence du Père très haut et de Jésus-Christ son Fils unique, l'Église bien-aimée et illuminée par la volonté de celui qui a voulu tout ce qui existe, selon la foi et l'amour pour Jésus-Christ notre Dieu ; l'Église qui préside dans la région des Romains, digne de Dieu, digne d'honneur, digne d'être appelée bienheureuse, digne de louange, digne de succès, digne de pureté, qui préside à la charité, qui porte la loi du Christ, qui porte le nom du Père ; je la salue au nom de Jésus-Christ, le fils du Père ; aux frères qui, de chair et d'esprit, sont unis à tous ses commandements, remplis inébranlablement de la grâce de Dieu, purifiés de toute coloration étrangère, je leur souhaite en Jésus-Christ notre Dieu toute joie irréprochable.

I, 1. Par mes prières j'ai obtenu de Dieu de voir vos saints visages, car j'avais demandé avec insistance de recevoir cette faveur ; car, enchaîné dans le Christ Jésus, j'espère vous saluer, si du moins c'est la volonté de Dieu que je sois trouvé digne d'aller jusqu'au terme. 2. Car le commencement est facile ; si du moins j'obtiens la grâce de recevoir sans empêchement la part qui m'est réservée. Mais je crains que votre charité ne me fasse tort. Car à vous il est facile de faire ce que vous voulez, mais à moi il est difficile d'atteindre Dieu, si vous ne m'épargnez pas.

II, 1. Car je ne veux pas que vous plaisiez aux hommes, mais que vous plaisiez à Dieu, comme, en fait, vous lui plaisez. Pour moi, jamais je n'aurai une telle occasion d'atteindre Dieu, et vous, si vous gardez le silence, vous ne pouvez souscrire à une oeuvre meilleure. Si vous gardez le silence à mon sujet, je serai à Dieu ; mais si vous aimez ma chair, il me faudra de nouveau courir. 2. Ne me procurez rien de plus que d'être offert en libation à Dieu (cf. Ph 2, 17; 2 Tm 4, 6), tandis que l'autel est encore prêt, afin que, réunis en choeur dans la charité, vous chantiez au Père dans le Christ Jésus, parce que Dieu a daigné faire que l'évêque de Syrie fût trouvé en lui , l'ayant fait venir du levant au couchant. Il est bon de se coucher loin du monde vers Dieu, pour se lever en lui.

III, 1. Jamais vous n'avez jalousé personne, vous avez enseigné les autres. Je veux, moi, que ce que vous commandez aux autres par vos leçons garde sa force. 2. Ne demandez pour moi que la force intérieure et extérieure, pour que non seulement je parle, mais que je veuille, pour que non seulement on me dise chrétien, mais que je le sois trouvé de fait . Si je le suis de fait, je pourrai me dire tel, et être un vrai croyant, quand je ne serai plus visible au monde. 3. Rien de ce qui est visible n'est bon. Car notre Dieu, Jésus-Christ, étant en son Père, se fait voir davantage. Car ce n'est pas une oeuvre de persuasion que le christianisme, mais une oeuvre de puissance, quand il est haï par le monde.

IV, 1. Moi, j'écris à toutes les Églises, et je mande à tous que moi c'est de bon coeur que je vais mourir pour Dieu, si du moins vous vous ne m'en empêchez pas. Je vous en supplie, n'ayez pas pour moi une bienveillance inopportune. Laissez-moi être la pâture des bêtes, par lesquelles il me sera possible de trouver Dieu. Je suis le froment de Dieu, et je suis moulu par la dent des bêtes, pour être trouvé un pur pain du Christ. 2. Flattez plutôt les bêtes, pour qu'elles soient mon tombeau, et qu'elles ne laissent rien de mon corps, pour que, dans mon dernier sommeil, je ne sois à charge à personne. C'est alors que je serai vraiment disciple de Jésus-Christ, quand le monde ne verra même plus mon corps. Implorez le Christ pour moi, pour que, par l'instrument des bêtes, je sois une victime offerte à Dieu. Je ne vous donne pas des ordres comme Pierre et Paul : eux, ils étaient libres, et moi jusqu'à présent un esclave (cf. 1 Co 9, 1). Mais si je souffre, je serai un affranchi de Jésus-Christ (1 Co 7, 22) et je renaîtrai en lui, libre. Maintenant enchaîné, j'apprends à ne rien désirer.

V, 1. Depuis la Syrie jusqu'à Rome, je combats contre les bêtes (cf. 1 Co 15, 32), sur terre et sur mer, nuit et jour, enchaîné à dix léopards, c'est-à-dire à un détachement de soldats ; quand on leur fait du bien, ils en deviennent pires. Mais, par leurs mauvais traitements, je deviens davantage un disciple, mais " je n'en suis pas pour autant justifié " (1 Co 4,4). 2. Puissé-je jouir des bêtes qui me sont préparées. Je souhaite qu'elles soient promptes pour moi. Et je les flatterai, pour qu'elles me dévorent promptement, non comme certains dont elles ont eu peur, et qu'elles n'ont pas touchés. Et, si par mauvaise volonté elles refusent, moi, je les forcerai. 3. Pardonnez-moi ; ce qu'il me faut, je le sais, moi. C'est maintenant que je commence à être un disciple. Que rien, des êtres visibles et invisibles, ne m'empêche par jalousie, de trouver le Christ. Feu et croix, troupeaux de bêtes, lacérations, écartèlements, dislocation des os, mutilation des membres, mouture de tout le corps, que les pires fléaux du diable tombent sur moi, pourvu seulement que je trouve Jésus-Christ.

VI, 1. Rien ne me servira des charmes du monde ni des royaumes de ce siècle. Il est bon pour moi de mourir (cf. 1 Co 9, 15) pour m'unir au Christ Jésus, plus que de régner sur les extrémités de la terre. C'est lui que je cherche, qui est mort pour nous ; lui que je veux, qui est ressuscité pour nous. Mon enfantement approche, 2. Pardonnez-moi, frères ; ne m'empêchez pas de vivre, ne veuillez pas que je meure. Celui qui veut être à Dieu, ne le livrez pas au monde, ne le séduisez pas par la matière. Laissez-moi recevoir la pure lumière ; quand je serai arrivé là, je serai un homme. 3. Permettez-moi d'être un imitateur de la passion de mon Dieu. Si quelqu'un a Dieu en lui, qu'il comprenne ce que je veux, et qu'il ait compassion de moi, connaissant ce qui m'étreint (cf. Ph 1, 23).

VII, 1. Le prince de ce monde veut m'arracher, et corrompre les sentiments que j'ai pour Dieu. Que personne donc, parmi vous qui êtes là, ne lui porte secours ; plutôt soyez pour moi, c'est-à-dire pour Dieu. N'allez pas parler de Jésus-Christ, et désirer le monde. 2. Que la jalousie n'habite pas en vous. Et si, quand je serai près de vous, je vous implore, ne me croyez pas. Croyez plutôt à ce que je vous écris. C'est bien vivant que je vous écris, désirant de mourir. Mon désir terrestre a été crucifié, et il n'y a plus en moi de feu pour aimer la matière, mais en moi une " eau vive " (cf. Jn 4, 10 ; 7, 38 ; Ap 14, 25) qui murmure et qui dit au-dedans de moi: " Viens vers le Père " (cf. Jn 14, 12, etc.). 3. Je ne me plais plus à une nourriture de corruption ni aux plaisirs de cette vie ; c'est le pain de Dieu que je veux, qui est la chair de Jésus-Christ, de la race de David (Jn 7, 42 ; Rm 1, 3), et pour boisson je veux son sang, qui est l'amour incorruptible.

VIII, 1. Je ne veux plus vivre selon les hommes. Cela sera, si vous le voulez. Veuillez-le, pour que vous aussi, vous obteniez le bon vouloir de Dieu. 2. Je vous le demande en peu de mots : croyez-moi, Jésus-Christ vous fera voir que je dis vrai, il est la bouche sans mensonge par laquelle le Père a parlé en vérité. 3. Demandez pour moi que je l'obtienne. Ce n'est pas selon la chair que je vous écris, mais selon la pensée de Dieu. Si je souffre, vous m'aurez montré de la bienveillance ; si je suis écarté, de la haine.

IX, 1. Souvenez-vous dans votre prière de l'Église de Syrie, qui, en ma place, a Dieu pour pasteur. Seul Jésus Christ sera son évêque, et votre charité. 2. Pour moi, je rougis d'être compté parmi eux, car je n'en suis pas digne, étant le dernier d'entre eux, et un avorton (cf. 1. Co 14, 8, 9). Mais j'ai reçu la miséricorde d'être quelqu'un, si j'obtiens Dieu. 3. Mon esprit vous salue, et la charité des Églises qui m'ont reçu, au nom de Jésus-Christ (cf. Mt 18, 40, 41), non comme un simple passant. Et celles-là mêmes qui n'étaient pas sur ma route selon la chair, allaient au-devant de moi de ville en ville.

X, 1. Je vous écris ceci de Smyrne par l'intermédiaire d'Éphésiens dignes d'être appelés bienheureux. Il y a aussi avec moi, en même temps que beaucoup d'autres, Crocus, dont le nom m'est si cher. 2. Quant à ceux qui m'ont précédé de Syrie jusqu'à Rome pour la gloire de Dieu, je crois que vous les connaissez maintenant : faites-leur savoir que je suis proche. Tous sont dignes de Dieu et de vous, et il convient que vous les soulagiez en toutes choses. 3. Je vous écris ceci le neuf d'avant les calendes de septembre. Portez-vous bien jusqu'à la fin dans l'attente de Jésus-Christ.

LETTRE D'IGNACE D'ANTIOCHE AUX PHILADELPHIENS

Ignace, dit aussi Théophore, à l'Église de Dieu le Père du Seigneur Jésus-Christ qui est à Philadelphie d'Asie, objet de la miséricorde, affermie dans la concorde qui vient de Dieu, et pleine d'une inébranlable allégresse dans la passion de notre Seigneur, et pleinement convaincue, en toute miséricorde, de sa résurrection ; je la salue dans le sang de Jésus-Christ. Elle est ma joie éternelle et durable, surtout s'ils restent unis avec l'évêque et avec les prêtres et les diacres qui sont avec lui, établis selon la pensée de Jésus-Christ, qui selon sa propre volonté les a fortifiés et affermis par son Saint-Esprit.

I, 1. Cet évêque, je sais que ce n'est pas de lui-même, ni par les hommes (Ga 1, 1), qu'il a obtenu ce ministère qui est au service de la communauté, ni par vaine gloire, mais par la charité de Dieu le Père et du Seigneur Jésus-Christ. Je suis frappé de sa bonté : par son silence, il peut plus que les vains discoureurs. 2. Il est accordé aux commandements, comme la cithare à ses cordes. C'est pourquoi mon âme le félicite de ses sentiments envers Dieu, je sais qu'ils sont vertueux et parfaits, de son caractère inébranlable et sans colère, selon toute la bonté du Dieu vivant.

II, 1. Ainsi, enfants de la lumière de vérité, fuyez les divisions et les mauvaises doctrines ; là où est votre berger, suivez-le comme des brebis. 2. Car beaucoup de loups apparemment dignes de foi captivent par des plaisirs mauvais ceux qui courent la course de Dieu ; mais ils n'auront pas place dans votre unité.

III, 1. Abstenez-vous des plantes mauvaises que Jésus-Christ ne cultive pas, parce qu'elles ne sont pas une plantation du Père (cf. Mt 15, 13 ; Jn 15, 1 ; 1 Co 3, 9). 2. Ce n'est pas que j'aie trouvé chez vous des divisions, mais une purification. Car tous ceux qui sont à Dieu et à Jésus-Christ, ceux-là sont avec l'évêque ; et tous ceux qui se repentiront et viendront à l'unité de l'Église, ceux-là aussi seront à Dieu, pour qu'ils soient vivants selon Jésus-Christ. 3. " Ne vous y trompez pas ", mes frères : si quelqu'un suit un fauteur de schisme, " il n'aura pas l'héritage du royaume de Dieu " (1 Co 6, 9, 10) ; si quelqu'un marche selon une pensée étrangère, celui-là ne s'accorde pas avec la passion du Christ.

IV. Ayez donc soin de ne participer qu'à une seule eucharistie ; car il n'y a qu'une seule chair de notre Seigneur Jésus-Christ, et un seul calice pour nous unir en son sang, un seul autel, comme un seul évêque avec le presbyterium et les diacres, mes compagnons de service : ainsi, tout ce que vous ferez, vous le ferez selon Dieu.

V, 1. Mes frères, je déborde d'amour pour vous, et c'est dans la joie la plus grande que je cherche à vous affermir, non pas moi, mais Jésus-Christ ; étant enchaîné pour lui, je crains davantage, dans la pensée que je suis encore imparfait ; mais votre prière me rendra parfait pour Dieu, afin que j'obtienne l'héritage dont j'ai reçu la miséricorde, me réfugiant dans l'Évangile comme dans la chair de Jésus-Christ, et dans les Apôtres comme au presbyterium de l'Église. 2. Et aimons aussi les prophètes, car eux aussi ont annoncé l'Évangile, ils ont espéré en lui, le Christ, et l'ont attendu ; croyant en lui, ils ont été sauvés, et demeurant dans l'unité de Jésus-Christ, saints dignes d'amour et d'admiration, ils ont reçu le témoignage de Jésus-Christ et ont été admis dans l'Évangile de notre commune espérance.

VI, 1. Si quelqu'un vous interprète l'Écriture selon le judaïsme, ne l'écoutez pas. Car il est meilleur d'entendre le christianisme de la part d'un homme circoncis, que le judaïsme de la part d'un incirconcis. Si l'un et l'autre ne vous parlent pas de Jésus-Christ, ils sont pour moi des stèles et des tombeaux de morts, sur lesquels ne sont écrits que des noms d'hommes. 2. Fuyez donc les méchants artifices et les embûches du prince de ce monde, pour que ses calculs ne réussissent pas à vous accabler et à vous affaiblir dans la charité. Mais tous, rassemblez-vous dans un coeur sans partage. 3. Je rends grâces à mon Dieu de ce que j'ai une bonne conscience à votre sujet, et que personne ne peut se vanter, ni en secret ni ouvertement, de ce que j'ai été pour lui à charge en peu ou en beaucoup de choses (cf. I Th 2, 7 ; 2 Co 11, 9; 12, 13-16 ; Ac 20, 33-35). Et à tous ceux à qui j'ai parlé, je souhaite qu'ils ne l'aient pas reçu en témoignage contre eux.

VII, 1. Certains ont voulu me tromper selon la chair, mais on ne trompe pas l'Esprit, qui vient de Dieu. Car parce que je prévoyais la division de quelques-uns, il m'est témoin celui pour qui je suis enchaîné que je ne le savais pas d'une chair d'homme. 2. C'est l'Esprit qui me l'annonçait en disant : " Ne faîtes rien sans l'évêque, gardez votre chair comme le temple de Dieu (cf. 1 Co 3, 16 ; 6,19), aimez l'union, fuyez les divisions, soyez les imitateurs de Jésus-Christ, comme lui aussi l'est de son Père " (cf. 1 Co 11,1).

VIII, 1. J'ai donc fait tout ce qui est en moi, comme un homme fait pour l'union. Là où il y a division et colère, Dieu n'habite pas. Mais à tous ceux qui se repentent, le Seigneur pardonne, si ce repentir les amène à l'unité avec Dieu, et au sénat de l'évêque. J'ai foi en la grâce de Jésus-Christ qui vous délivrera de tout lien. 2. Je vous exhorte à ne rien faire par esprit de querelle, mais selon l'enseignement du Christ. J'en ai entendu qui disaient : " Si je ne le trouve pas dans les archives, je ne le crois pas dans l'Évangile. " Et quand je leur disais: " C'est écrit ", ils me répondirent : " C'est là la question. " Pour moi, mes archives, c'est Jésus-Christ ; mes archives inviolables, c'est sa croix, et sa mort, et sa résurrection et la foi qui vient de lui ; c'est en cela que je désire, par vos prières, être justifié.

IX, 1. Les prêtres, eux aussi, étaient honorables, mais chose meilleure est le grand prêtre, à qui a été confié le Saint des saints, à qui seul ont été confiés les secrets de Dieu. Il est la porte du Père (cf. Jn 10, 7, 9), par laquelle entrent Abraham, Isaac et Jacob, et les prophètes, et les Apôtres, et l'Église. Tout cela conduit à l'unité avec Dieu. 2. Mais l'Évangile a quelque chose de spécial : la venue du Sauveur, notre Seigneur Jésus-Christ, sa passion et sa résurrection. Car les bien-aimés prophètes l'avaient annoncé, mais l'Évangile est la consommation de l'immortalité. Tout est également bon, si vous croyez dans la charité.

X, 1. On m'a annoncé que grâce à votre prière et à la miséricorde que vous avez dans le Christ Jésus, l'Église d'Antioche de Syrie est en paix ; il convient donc que vous, en tant qu'Église de Dieu, vous élisiez un diacre, pour qu'il y aille en messager de Dieu, pour se réjouir avec ceux qui sont rassemblés, et glorifier le Nom. 2. Heureux en Jésus-Christ celui qui sera jugé digne d'un tel ministère, et vous aussi vous serez glorifiés. Si vous le voulez bien, il n'est pas impossible de le faire pour le nom de Dieu, comme l'ont fait les Églises les plus proches qui ont envoyé les unes leurs évêques, d'autres des prêtres et des diacres.

XI, 1. Quant à Philon, le diacre de Cilicie, homme de bon renom, qui me seconde maintenant dans le ministère de la parole de Dieu avec Rhéos Agathopous, homme d'élite qui a renoncé à ce qui faisait sa vie pour m'accompagner depuis la Syrie, ils vous rendent témoignage, et moi j'en rends grâce à Dieu pour vous, que vous les avez reçu comme le Seigneur vous a reçus vous-mêmes. Et ceux qui leur ont manqué de respect, puissent-ils être pardonnés par la grâce de Jésus-Christ ! 2. La Charité des frères qui sont à Troas vous salue. C'est de là que je vous écris par l'intermédiaire de Burrhus, qui a été envoyé avec moi par les Éphésiens et les Smyrniotes pour me faire honneur. Ils seront eux aussi honorés par le Seigneur Jésus-Christ, en qui ils espèrent de chair, d'âme et d'esprit, dans la foi, la charité, la concorde. Portez-vous bien en Jésus-Christ, notre commune espérance.

LETTRE D'IGNACE D'ANTIOCHE AUX SMYRNIOTES

Ignace, dit aussi Théophore, à l'Église de Dieu le Père et de son fils bien-aimé Jésus-Christ, qui a obtenu par miséricorde tous les dons, remplie de foi et de charité, qui n'est privée d'aucun don, divinement magnifique et porteuse des objets sacrés, qui est à Smyrne d'Asie, dans un esprit irréprochable et dans la parole de Dieu, toute sorte de joie.

I, 1. Je rends grâces à Jésus-Christ Dieu, qui vous a rendus si sages. Je me suis aperçu, en effet, que vous êtes achevés dans une foi inébranlable, comme si vous étiez doués de chair et d'esprit à la croix de Jésus-Christ, et solidement établis dans la charité par le sang du Christ, fermement convaincus au sujet de notre Seigneur qui est véritablement de la race " de David selon la chair " (cf. Rm 1, 3), Fils de Dieu selon la volonté et la puissance de Dieu, véritablement né d'une vierge, baptisé par Jean " pour que ", par lui, " fût accomplie toute justice " (Mt 3, 15). 2. Il a été véritablement cloué pour nous dans sa chair sous Ponce Pilate et Hérode le tétrarque, c'est grâce au fruit de sa croix, et à sa passion divinement bienheureuse que nous, nous existons, pour " lever son étendard " (Is 5, 26 s) dans les siècles par sa résurrection, et pour rassembler ses saints et ses fidèles, venus soit des Juifs soit des gentils, dans l'unique corps de son Église.

II. Tout cela, il l'a souffert pour nous, pour que nous soyons sauvés. Et il a véritablement souffert, comme aussi il s'est véritablement ressuscité, non pas, comme disent certains incrédules, qu'il n'ait souffert qu'en apparence: eux-mêmes n'existent qu'en apparence, et il leur arrivera un sort conforme à leurs opinions, d'être sans corps et semblables aux démons.

III, 1. Pour moi, je sais et je crois que même après sa résurrection il était dans la chair. 2. Et quand il vint a Pierre et à ceux qui étaient avec lui, il leur dit : " Prenez, touchez-moi, et voyez que je ne suis pas un démon sans corps. " Et aussitôt ils le touchèrent, étroitement unis à sa chair et à son esprit. C'est pour cela qu'ils méprisèrent la mort, et qu'ils furent trouvés supérieurs à la mort. 3. Et après sa résurrection, Jésus mangea et but avec eux comme un être de chair, étant cependant spirituellement uni à son Père.

IV, 1. Voilà ce que je vous recommande, bien-aimés, sachant bien que vous aussi vous pensez ainsi. Mais je veux vous mettre en garde contre ces bêtes à face humaine : non seulement il vous faut ne pas les recevoir, mais s'il est possible ne pas même les rencontrer et seulement prier pour eux, si jamais ils pouvaient se convertir, ce qui est difficile. Mais Jésus-Christ en a le pouvoir, lui notre véritable vie. 2. Car si c'est en apparence que cela a été accompli par notre Seigneur, moi aussi, c'est en apparence que je suis enchaîné. Pourquoi donc, moi aussi, me suis-je livré à la mort, pour le feu, pour le glaive, pour les bêtes ? Mais près du glaive, près de Dieu : avec les bêtes, avec Dieu ; seulement que ce soit au nom de Jésus-Christ. C'est pour souffrir avec lui que je supporte tout, et c'est lui qui m'en donne la force, lui qui s'est fait homme parfait.

V, 1. Certains, par ignorance, le renient, mais ils ont plutôt été reniés par lui, avocats de la mort plus que de la vérité, eux qui n'ont réussi à persuader ni les prophéties ni la Loi de Moïse, ni même jusqu'à présent l'Évangile, ni les souffrances de chacun de nous. 2. Car ils pensent la même chose de nous. 2. Car que me sert que quelqu'un me loue, s'il blasphème mon Seigneur, en ne confessant pas qu'il a pris chair ? Celui qui ne dit pas cela le renie absolument, étant lui-même un croque-mort. 3. Leurs noms, puisqu'ils sont infidèles, il ne m'a pas plu de les écrire. Mais puissé-je même ne pas me souvenir d'eux, jusqu'à ce qu'ils se repentent pour croire à la passion, qui est notre résurrection.

VI, 1. Que personne ne se trompe : même les êtres célestes, et la gloire des anges, et les archontes visibles et invisibles, s'ils ne croient pas au sang du Christ, pour eux aussi il y a un jugement : " Que celui qui peut comprendre, comprenne " (Mt 19, 12). Que personne ne s'enorgueillisse de son rang, car l'essentiel, c'est la foi et la charité, auxquelles rien n'est préférable. 2. Considérez ceux qui ont une autre opinion sur la grâce de Jésus-Christ qui est venue sur nous : comme ils sont opposés à la pensée de Dieu ! De la charité, ils n'ont aucun souci, ni de la veuve, ni de l'orphelin, ni de l'opprimé, ni des prisonniers ou des libérés, ni de l'affamé ou de l'assoiffé.

VII, 1. Ils s'abstiennent de l'eucharistie et de la prière, parce qu'ils ne confessent pas que l'eucharistie est la chair de notre Sauveur Jésus-Christ, chair qui a souffert pour nos péchés, et que dans sa bonté le Père a ressuscitée. Ainsi ceux qui refusent le don de Dieu meurent dans leurs disputes. Il leur serait utile de pratiquer la charité pour ressusciter eux aussi. 2. Il convient de vous tenir à l'écart de ces gens-là, et de ne parler d'eux ni en privé ni en public, mais de vous attacher aux prophètes, et spécialement à l'Évangile, dans lequel la passion nous est montrée et la résurrection accomplie. Et les divisions, fuyez-les comme le principe de tous les maux.

VIII, 1. Suivez tous l'évêque, comme Jésus-Christ suit son Père, et le presbyterium comme les Apôtres ; quant aux diacres, respectez-les comme la loi de Dieu. Que personne ne fasse, en dehors de l'évêque, rien de ce qui regarde l'Église. Que cette eucharistie seule soit regardée comme légitime, qui se fait sous la présidence de l'évêque ou de celui qu'il en aura chargé. 2. Là où paraît l'évêque, que là soit la communauté, de même que là où est le Christ Jésus, là est l'Église catholique. Il n'est pas permis en dehors de l'évêque ni de baptiser, ni de faire l'agape, mais tout ce qu'il approuve, cela est agréable à Dieu aussi Ainsi tout ce qui se fait sera sûr et légitime.

IX, 1. Il est raisonnable de retrouver désormais notre bon sens, et, pendant que nous en avons encore le temps, de nous repentir pour retourner à Dieu. Il est bon de reconnaître Dieu et l'évêque. Celui qui honore l'évêque est honoré de Dieu ; celui qui fait quelque chose à l'insu de l'évêque sert le diable. 2. Que la grâce vous fasse abonder en toutes choses, car vous en êtes dignes vous m'avez réconforté en toutes manières et que Jésus en fasse autant pour vous. Absent et présent, vous m'avez aimé : que Dieu vous le rende. Si vous supportez tout pour lui, vous arriverez à le posséder.

X, 1. Vous avez bien fait de recevoir comme des diacres du Christ de Dieu Philon et Rhéos Agathopous, qui m'ont accompagné pour l'amour de Dieu. Eux aussi rendent grâces au Seigneur à votre sujet, parce que vous les avez réconfortés de toutes manières. Rien de cela n'est perdu pour vous. 2. Mon esprit est votre rançon, et mes liens que vous n'avez pas méprisés, et dont vous n'avez pas rougi. Jésus-Christ, qui est la foi parfaite, ne rougira pas non plus de vous.

XI, 1. Votre prière est allée vers l'Église qui est à Antioche de Syrie. C'est de là que je suis parti enchaîné de chaînes très précieuses à Dieu, et je vous salue tous. Je ne suis pas digne d'être de cette Église, étant le dernier d'entre eux. Mais selon la volonté de Dieu , j'en ai été jugé digne, non d'après le jugement de ma conscience, mais par la grâce de Dieu ; je souhaite qu'elle me soit donnée entière, pour qu'avec votre prière je puisse obtenir Dieu. 2. Afin donc que votre oeuvre soit parfaite et sur terre et dans le ciel, il convient que, à l'honneur de Dieu, votre Église élise un envoyé de Dieu pour aller jusqu'en Syrie se réjouir avec eux de ce qu'ils possèdent la paix et ont retrouvé leur grandeur, et de ce que leur corps a été rétabli. 3. Il m'a paru que ce serait une chose digne si vous envoyiez quelqu'un des vôtres avec une lettre pour célébrer avec eux le calme qui leur est revenu grâce à Dieu, et de ce que leur Église a atteint le port grâce à vos prières. Étant parfaits, ayez aussi des pensées parfaites. Car si vous désirez faire le bien, Dieu est prêt à vous l'accorder.

XII, 1. La charité des frères qui sont à Troas vous salue ; c'est de là que je vous écris par l'intermédiaire de Burrhus qu'avec les Éphésiens vos frères vous m'avez envoyé pour être avec moi ; il m'a réconforté de toutes manières. Il faudrait que tous l'imitassent, car il est un modèle du service de Dieu. La grâce le récompensera de toute manière. 2. Je salue votre évêque digne de Dieu, votre presbyterium si respectable, les diacres mes compagnons de services, et tous individuellement et en commun, au nom de Jésus-Christ, et en sa chair et en son sang, en sa passion et sa résurrection, en unité de chair et d'esprit avec Dieu et entre vous. A vous grâce, miséricorde, paix et patience pour toujours.

XIII. Je salue les familles de mes frères avec leurs femmes et leurs enfants, et les vierges appelées veuves. Soyez forts par la vertu de l'Esprit. Philon qui est avec moi vous salue. Je salue la maison de Tavia, je souhaite qu'elle soit affermie dans la foi et dans la charité de chair et d'esprit. Je salue Alcé, nom qui m'est cher, et Daphnos l'incomparable, et Eutecnos, et tous par leur nom. Portez-vous bien dans la grâce de Dieu.

LETTRE D'IGNACE D'ANTIOCHE À POLYCARPE

Ignace, dit aussi Théophore, à Polycarpe, évêque (surveillant) de l'Église de Smyrne, ou plutôt surveillé lui-même par Dieu le Père et le Seigneur Jésus-Christ, toute sorte de joie.

I, 1. Accueillant avec joie les sentiments que tu as pour Dieu, fondés comme sur un roc inébranlable, je glorifie à l'extrême le Seigneur de m'avoir jugé digne de contempler ton visage irréprochable : puissé-je en jouir en Dieu. 2. Je t'exhorte, par la grâce dont tu es revêtu, à presser ta course et à exhorter tous les frères pour qu'ils soient sauvés. Justifie ta dignité épiscopale par une entière sollicitude de chair et d'esprit; préoccupe-toi de l'union, au-dessus de laquelle il n'y a rien de meilleur. Porte avec patience tous les frères comme le Seigneur te porte toi-même ; supporte-les tous avec charité, comme tu le fais d'ailleurs. 3. Vaque sans cesse à la prière ; demande une sagesse plus grande que celle que tu as ; veille avec un esprit qui ne se repose pas. Parle à chacun en particulier, te conformant aux moeurs de Dieu.

II, 1. Si tu aimes les bons disciples, tu n'as pas de mérite. Ce sont surtout les plus contaminés qu'il te faut soumettre par la douceur. Toute blessure ne se soigne pas par le même emplâtre. Calme les crises violentes par les compresses humides. 2. " Sois " en toutes choses " prudent comme le serpent et simple " toujours " comme la colombe " (Mt 10, 16). Tu es charnel et spirituel pour traiter avec douceur ce qui apparaît à tes yeux ; quant aux choses invisibles, demande qu'elles te soient manifestées pour que tu ne manques de rien et que tu abondes en tout bien spirituel. 3. Le moment présent te réclame, comme le pilote attend les vents, et comme l'homme battu par la tempête attend le port, pour obtenir Dieu. Sois sobre, comme un athlète de Dieu : le prix, c'est l'incorruptibilité et la vie éternelle, dont toi aussi tu es convaincu. En tout, je suis pour toi une rançon, et ces liens que tu as aimés.

III, 1. Que ceux qui paraissent dignes de foi et qui enseignent l'erreur (cf. 1 Tm 1, 3 ; 6, 3) ne t'effraient pas. Tiens ferme comme l'enclume sous le marteau. C'est d'un grand athlète de se laisser meurtrir de coups, et de vaincre. C'est à cause de Dieu que nous devons tout supporter, afin que lui-même nous supporte. 2. Sois plus zélé que tu ne l'es ; discerne les temps. Attends celui qui est au-dessus de toute vicissitude, invisible, qui pour nous s'est fait visible ; impalpable, impassible, qui pour nous s'est fait passible, qui pour nous a souffert de toutes manières.

IV, 1. Ne néglige pas les veuves : après le Seigneur, c'est toi qui dois te soucier d'elles. Que rien ne se fasse sans ton avis et toi non plus, ne fais rien sans Dieu : tu ne le fais pas non plus ; sois ferme. 2. Que les assemblées soient plus fréquentes ; invite tous les frères par leur nom. 3. Ne méprise pas les esclaves, hommes et femmes; mais qu'eux non plus ne s'enflent pas d'orgueil, mais que pour la gloire de Dieu, ils servent avec plus de zèle, afin d'obtenir de Dieu une liberté meilleure. Qu'ils ne cherchent pas à se faire libérer aux frais de la communauté, pour ne pas être trouvés esclaves de leurs désirs.

V, 1. Fuis les métiers déshonnêtes, ou plutôt fais une homélie contre eux. Dis à mes soeurs d'aimer le Seigneur, et de se contenter de leurs maris de chair et d'esprit. De même recommande à mes frères " d'aimer leurs femmes comme le Seigneur a aimé l'Église " (cf. Ep 5, 25-29). 2. Si quelqu'un peut demeurer dans la chasteté en l'honneur de la chair du Seigneur, qu'il demeure dans l'humilité. S'il s'en glorifie, il est perdu, et s'il se fait connaître à d'autres qu'à l'évêque, il est corrompu. Il convient aussi aux hommes et aux femmes qui se marient, de contracter leur union avec l'avis de l'évêque, afin que leur mariage se fasse selon le Seigneur et non selon la passion. Que tout se fasse pour l'honneur de Dieu.

VI, 1. Attachez-vous à l'évêque, pour que Dieu aussi s'attache à vous. J'offre ma vie pour ceux qui se soumettent à l'évêque, aux prêtres, aux diacres ; et puisse-t-il m'arriver d'avoir avec eux part en Dieu. Peinez ensemble les uns avec les autres, ensemble combattez, luttez, souffrez, dormez, réveillez-vous, comme des intendants de Dieu, comme ses assesseurs, ses serviteurs. 2. Cherchez à plaire à celui sous les ordres de qui vous faites campagne (cf. 2 Tm 2, 4), de qui aussi vous recevez votre solde, qu'on ne trouve parmi vous aucun déserteur. Que votre baptême demeure comme votre bouclier, la foi comme votre casque, la charité comme votre lance, la patience comme votre armure. Vos dépôts, ce sont vos oeuvres, afin que vous receviez comme il convient les sommes auxquelles vous avez droit. Soyez donc patients les uns envers les autres, dans la douceur, comme Dieu l'est pour vous. Puissé-je jouir de vous continuellement.

VII, 1. Puisque l'Église, qui est à Antioche de Syrie, est en paix, comme on me l'a appris, grâce à votre prière, moi aussi j'ai retrouvé plus de confiance, dans l'abandon à Dieu, si toutefois, par mes souffrances, j'obtiens Dieu, pour être trouvé au jour de la résurrection votre disciple. 2. Il convient, bienheureux Polycarpe, de convoquer une assemblée agréable à Dieu, et d'élire quelqu'un qui vous soit très cher et qui soit actif, qui puisse être appelé le courrier de Dieu ; charge-le d'aller en Syrie pour célébrer votre infatigable charité pour la gloire de Dieu. 3. Le chrétien n'a pas pouvoir sur lui-même, mais il est libre pour le service de Dieu. Cela, c'est l'oeuvre de Dieu, et aussi la vôtre quand vous aurez accompli cela. J'ai foi en la grâce et je crois que vous êtes prêts à faire une bonne action qui convient à Dieu. Connaissant votre zèle sans relâche pour la vérité, je vous ai exhortés par ces quelques mots.

VIII, 1. Puisque je n'ai pu écrire à toutes les Églises à cause de mon départ précipité de Troas pour Néapolis, comme l'ordonne la volonté de Dieu , tu écriras à toutes les Églises d'Orient, toi qui possèdes la pensée de Dieu, pour qu'elles aussi fassent la même chose : ceux qui le pourront enverront des messagers à pied, les autres des lettres par ceux que tu auras envoyés ; ainsi vous serez glorifiés pour une oeuvre éternelle, comme tu en es digne. 2. Je vous salue tous par votre nom, et l'épouse d'Épitropos avec toute sa maison et celle de ses enfants. Je salue Attale mon bien-aimé. Je salue celui qui sera jugé digne de partir pour la Syrie. La grâce sera sans cesse avec lui et avec Polycarpe qui l'envoie. 3. Je souhaite que vous vous portiez toujours bien en notre Dieu Jésus-Christ ; puissiez-vous en lui demeurer toujours dans l'unité et sous la surveillance de Dieu. Je salue Alcé, qui m'est si chère. Portez-vous bien dans le Seigneur.




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